Françoise Clavel-Chapelon (Directrice de recherche Inserm-Université Paris-Sud 11, à l’Institut Gustave Roussy), et Guy Fagherazzi se sont intéressés à la relation entre la consommation de boissons sucrées et boissons sucrées «light» et le risque de diabète de type 2. L’analyse, menée auprès de 66 188 femmes de la cohorte E3N, confirme une relation entre boissons sucrées et diabète de type 2 et révèle pour la première fois en France, que contrairement aux idées reçues, le risque de diabète est plus élevé lorsqu’il s’agit de boissons «light» que de boissons sucrées «normales». Des études supplémentaires sur les effets des boissons sucrées «light» sont nécessaires pour corroborer ce résultat.
Le diabète touche plus de 3 millions de personnes en France dont 90% sont atteintes du diabète de type 2. S’il est établi que la consommation de boissons sucrées est associée à une augmentation du risque d’obésité et de diabète de type 2, l’effet des boissons sucrées «light» sur les maladies cardiométaboliques est moins bien connu.
Les chercheurs de l’Inserm au sein de l’équipe E3N ont évalué le lien entre la consommation de boissons sucrées et le risque de développer un diabète de type 2.
L’étude a été menée auprès de 66 118 femmes françaises de la cohorte E3N suivies pendant 14 ans.
Les résultats montrent que les femmes qui consomment des boissons sucrées «light»
ont une consommation plus grande que celles qui consomment des boissons sucrées «normales» (2,8 verres/semaine contre 1,6 verres/semaine en moyenne, respectivement).
L’autre part, à quantité égale consommée, le risque de diabète est plus élevé lorsqu’il s’agit de boissons «light» que de boissons sucrées «non light»
Le risque de développer un diabète est de 15% supérieur pour une consommation de
0,5 L/ semaine et de 59% supérieur pour 1,5 L/semaine respectivement.
Ce risque est-il essentiellement associé aux boissons «light» ?
Pour le savoir, les chercheurs se sont également intéressés aux effets sur l’organisme des jus de fruits 100% pressés, et dans leur étude, aucune association avec le risque de diabète n’a été constatée.
Comment peut-on expliquer ces résultats ?
Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l’augmentation de risque de diabète associée à une grande consommation de boissons sucrées :
• Tout d’abord, en termes de calories, ces boissons ne se substituent pas aux aliments solides, car boire des boissons sucrées n’est pas suffisamment satiétogène (les calories des boissons sucrées s’ajoutent donc aux calories des solides). D’autre part, les sucres contenus dans les boissons sucrées entrainent en réaction un pic d’insuline, et des pics à répétition peuvent engendrer une insulino-résistance.
• S’agissant en particulier des boissons «light», la relation avec le diabète pourrait s’expliquer d’une part par une appétence plus forte pour le sucre en général des consommatrices de ce type de boissons. D’autre part, l’aspartame, qui est un des principaux édulcorants utilisés aujourd’hui, induirait une augmentation de la glycémie et de ce fait une hausse du taux d’insuline, comparable à celle engendrée par le sucrose.
La consommation de boissons sucrées augmente le risque de surpoids, lui-même facteur de risque de diabète. Toutefois, dans leur étude, les chercheurs de l’équipe E3N ont observé un effet d’une grande consommation de boissons sucrées, indépendant de la corpulence de la femme.
En conclusion, il est montré pour la première fois dans une population française, qu’une consommation élevée de boissons sucrées (normales et «light») était associée à une forte augmentation du risque de diabète de type 2. Cette augmentation de risque est encore plus forte pour les boissons de type «light». Des études supplémentaires sur les effets des boissons sucrées «light» sont en cours pour confirmer ce résultat.
Sources : Françoise Clavel-Chapelon (Directrice de recherche Inserm-Université)
L’étude E3N, ou Etude Epidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale), dirigée par Françoise Clavel-Chapelon, directrice de recherche à l’Inserm, est une étude de cohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990.
• Depuis 1990, les femmes remplissent et renvoient des auto-questionnaires tous les 2 à 3 ans. Elles sont interrogées sur leur mode de vie (alimentation, prise de traitements hormonaux…) d’une part, et sur l’évolution de leur état de santé d’autre part.
• Les données sur les facteurs de risque ont fait l’objet de plusieurs études de validation. Le taux de « perdues de vue » est très faible du fait de la possibilité qu’offre la MGEN de suivre les non-répondantes. Mais c’est avant tout grâce à la fidélité et à la constance des participantes, et grâce à la collaboration des médecins traitants, que l’étude E3N peut fournir tous ces résultats.
• E3N est la composante française d’EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and nutrition), vaste étude européenne coordonnée par le Centre International de Recherches sur le Cancer (CIRC) portant sur 500 000 européens, hommes et femmes, dans 10 pays.