L’origine biologique de l’anxiété reste mal connue,
en particulier celle de l’anxiété pathologique qui touche pourtant près de 20% de la population.
Mais grâce à l‘équipe Atip-Avenir, qu’elle a montée et dirige depuis deux ans, Anne Beyeler, chercheuse Inserm au «Neurocentre Magendie» à Bordeaux, s’est lancée le défi de révéler certains des mécanismes impliqués dans ce trouble psychiatrique.
L’anxiété, en particulier les dysfonctionnements neurobiologiques à l’origine de ses formes pathologiques : c’est à cela qu’Anna Beyeler, responsable de l’équipe Circuits Neuronaux de l’Anxiété au «Neurocentre Magendie», a choisi de s’attaquer.
L’anxiété est en premier lieu un phénomène naturel, une réponse transitoire d’adaptation de l’organisme pour faire face à une épreuve ou anticiper un danger. Mais lorsqu’elle devient excessive, durable et survient en dehors d’un contexte anxiogène, elle est considérée comme pathologique.
Il s’agit même du trouble psychiatrique le plus répandu, avec près de 20% de la population concernée. Pourtant, on connaît encore mal les mécanismes qui sous-tendent cet état.
Une cible, le cortex insulaire
Anna Beyeler pose l’hypothèse qu’en cas d’anxiété pathologique, les circuits neuronaux qui contrôlent cette réaction physiologique seraient déréglés.
Elle imagine en particulier une altération des circuits responsables de l’attribution d’une valeur positive ou négative aux différents stimuli qui nous entourent : les circuits de la valence émotionnelle.
Cette hypothèse expliquerait que des expositions à certains produits, situations,
ou sensations provoquent des réactions anormales.
«Cela n’a pas encore été testé biologiquement et nous souhaitons le vérifier»,
explique-t-elle.
Dans ce but, elle va se concentrer sur une zone particulière du cerveau : le cortex insulaire.
Selon de nombreuses études d’imagerie fonctionnelle, cette région est en effet impliquée dans les troubles anxieux.
Or, elle l’est également dans la valence émotionnelle, en particulier celle des sensations gustatives, du toucher et de la douleur.
L’objectif final est de comprendre l’anxiété pathologique des humains mais, à ce stade,
la chercheuse l’étudie chez la souris.
«Chez cet animal, nous avons contribué au développement de techniques d’analyse de l’activité de groupes d’une centaine de neurones qu’on appelle «populations neuronales».
Nous ne parvenons pas à être aussi précis chez l’humain. Dans notre modèle d’étude, nous pouvons également activer ou diminuer l’activité d’une population neuronale et en observer les conséquences comportementales», poursuit-elle.
Grâce à ces analyses, mais aussi via l’étude des neurotransmetteurs libérés ou du profil d’expression génétique des cellules concernées, Anna Beyeler et son équipe espèrent dévoiler peu à peu les secrets des anomalies fonctionnelles à l’origine de l’anxiété pathologique.
Une passion ancienne
Au fond, Anna Beyeler réalise un rêve qui remonte à 2005.
«Au cours d’un stage de master, j’ai eu l’occasion d’enregistrer l’activité électrique de neurones et d’étudier leur rôle fonctionnel. Ça a été une révélation», se souvient-elle.
À partir de là, elle décide de se spécialiser en électrophysiologie et s’en donne les moyens.
Elle réalise une thèse sur les circuits de la moelle épinière et enchaîne avec un post-doctorat à Bordeaux, sur les oscillations cérébrales, des variations qui reflètent les transmissions d’informations neuronales.
Deux ans après, elle décroche un second post-doctorat aux États-Unis, au Massachusetts Institute of Technology à Cambridge.
Elle y étudie pendant cinq ans les circuits de la valence émotionnelle et de l’anxiété au niveau de l’amygdale, une autre région du cerveau jusqu’ici davantage explorée que le cortex insulaire.
Elle revient en France en 2017 grâce à une chaire d’accueil de l’université de Bordeaux,
au «Neurocentre Magendie».
Un an plus tard, elle obtient un financement Atip-Avenir pour monter sa propre équipe au sein de ce laboratoire.
Et en 2020, elle intègre l’Inserm en tant que chargée de recherche.
Son équipe compte désormais, deux doctorants et a déjà formé une dizaine d’étudiants de master.
Son financement Atip-Avenir, d’une durée initiale de trois ans, pourra être prolongé de deux années supplémentaires selon ses résultats, qu’elle espère rapidement concrets !
Sources : Décembre 2020 – Inserm / Anna Beyeler – Université de Bordeaux, Neurocentre Magendie